dimanche 28 novembre 2010

WikiLeaks : changeant les relations internationales

Par Emerson Csorba, étudiant du Campus Saint-Jean.

Fondé en 2006, le site internet WikiLeaks modifie voire bouleverse les relations internationales. Le site fut créé afin de permettre aux dissidents politiques d'afficher des documents confidentiels, qui pourront être dorénavant lus par le public. Maintenant, l'affichage de toute une panoplie de documents, concernant par exemple la guerre en Iraq et en Afghanistan, peut mettre en cause les relations entre nations.

Dans le passé, les risques provenant des communications secrètes entre diplomates n'étaient pas aussi grands que maintenant. En fait, l'internet n'avait pas autant d'influence sur la vie quotidienne des individus en 1995, par exemple. Aujourd'hui, la population de personnes qui utilisent l'internet est quasiment 2 milliards, selon le Miniwatts Marketing Group. Par conséquent, l'échange d'information est extrêmement rapide et les articles des journaux comme « The Economist » et « The New York Times » sont accessibles à des millions de personnes. Les documents sur WikiLeaks sont également ouverts aux utilisateurs de l'internet.

Les risques sont graves. Actuellement, le Ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon et l'Ambassadeur des États-Unis, David Jacobson sont engagés dans des discussions quant aux résultats possibles d'un groupe de documents qui seraient affichés sur WikiLeaks. Il est possible que les documents illustrent des commentaires négatifs des diplomates américains concernant le Canada. De plus, il est possible que les opérations militaires du Canada soient affichées sur WikiLeaks.

WikiLeaks est important dans les relations internationales pour plusieurs raisons. D'abord, ça stimule le débat concernant la liberté de parole sur l'internet. En outre, ça nous encourage à poser les questions suivantes : à quel point est-ce que le gouvernement peut contrôler le partage d'information au public; le public devrait-il savoir exactement ce qui se passe en Iraq (en lisant les documents de WikiLeaks), ou devrait-il apprendre des sources secondaires – les journalistes? Par ailleurs, le site web montre qu'un petit groupe d'hommes (dans ce cas mené par Julian Assange) peut influencer les relations internationales. L'influence des États semble diminuer. Enfin, WikiLeaks donne plus de pouvoir aux individus à travers le monde. Les relations internationales sont maintenant plus précaires que jamais.

Sénat : la conversion d'Harper

Un bon article paru hier sur le Sénat sous le gouvernement Harper. Le Premier ministre Harper a essayé de réformer le Sénat durant sa première année au pouvoir, en proposant deux projets de loi et en laissant vacants de nombreux sièges. Aujourd'hui, comme l'indique l'article, il s'est pleinement converti au sénatisme orthodoxe...

Certains diront qu'il aura essayé, essuyé des échecs, et appris sa leçon. Le Sénat est utile, pourquoi serait-il plus fou qu'un autre Premier ministre? Je préfère être plus cynique : il a tenté de réformer un Sénat à majorité libérale, et maintenant que le vent a tourné et que les Conservateurs y sont majoritaires, cela ne sert plus ses intérêts.

On a vu la semaine dernière que le Sénat ne s'est pas gêné pour bloquer un projet de loi des Communes, phénomène rare dans l'histoire du pays, mais assez commun durant les années Mulroney où le Sénat libéral combattait avec force des projets tels que le libre-échange et la TPS. Verra-t-on un retour à ces années d'affrontement et de filibuster? Une chose est sûre, les nominations conservatrices vont se poursuivre; juste pour les deux prochaines semaines, deux sénateurs libéraux devront prendre leur retraite, Peter Stollery et Jean Lapointe.

lundi 22 novembre 2010

Désastre en Irlande, mais pas pour tout le monde

Ce week-end, l'Irlande a dû demander une aide massive d'urgence à l'Union européenne et au FMI, pour faire face à sa catastrophe financière. La petite histoire du point de vue du fardeau fiscal des entreprises est intéressante.

Dans les années '90, l'Irlande décida de baisser l'impôt corporatif à 12.5%, un des plus bas d'Europe, ce qui attira une foule de multinationales (seuls la Bulgarie et Chypre ont des taux plus bas, mais on se rue moins vers ces régimes aux infrastructures chancelantes). Ce boom économique fut à l'origine d'une bulle immobilière dont on voit les conséquences aujourd'hui (la crise économique est beaucoup plus complexe que cela, mais résumons).

Alors, les Celtes se tournent vers l'Europe pour de l'aide. Une Europe qui a de l'argent car... elle taxe ses entreprises à des taux raisonnables. L'Irlande a voulu jouer au mauvais voisin en pratiquant la compétition fiscale féroce, elle y réussit pendant une quinzaine d'années, et maintenant elle frappe un mur. L'UE a demandé à l'Irlande de hausser son taux corporatif en échange. La réponse? Il n'en est absolument pas question!

Perdants : les Irlandais qui se serreront la ceinture comme jamais depuis la Grande Famine, les contribuables européens qui subiront une (autre) péréquation de force vers un régime fiscalement irresponsable.

Gagnants : les entreprises irlandaises à qui on ne demande aucun sacrifice, les créanciers de l'Irlande à qui on vient de garantir leurs placements.

dimanche 21 novembre 2010

Le Sénat : un corps archaïque?

par Emerson Csorba, étudiant du Campus Saint-Jean.

Le Sénat du Canada vient récemment de refuser un projet de loi accepté 
par la chambre des communes, le projet de loi C-311, Climate Change 
Accountability Act. La décision du Sénat fut condamnée par Jack 
Layton, le chef du NPD, qui dit que Harper essaie d'apaiser les 
compagnies de pétrole qui contribuent grandement à l'économie 
canadienne.

Certes, le vote du Sénat relance l'un des grands débats concernant le 
système politique canadien. Toute une panoplie de questions émanent de 
cet évènement : le Sénat devrait-il exister et s'il existe, devrait-il 
être élu? Pour le moment, les membres du Sénat ne doivent pas baser leurs 
décisions sur la volonté des citoyens qu'ils représentent, car c'est 
Harper qui les nomme selon sa volonté. Aucune représentation n'existe.

Bien que le vote récent sur le projet de loi C-311 soit ciblé par les 
médias, il est important de considérer que le Sénat n'oppose quasiment 
jamais les décisions des membres de la Chambre des communes. Or, ce 
vote est relativement important, en vertu du fait que C-311 proposait 
des buts assez idéalistes pour les régulations sur les gaz à effet de 
serre.

L'existence du Sénat est ancrée dans l'histoire du Canada, étant établi 
lors de l'implémentation de la loi constitutionnelle de 1867. 
Cependant, ce corps ne joue presque aucune fonction conséquente au 
Canada; les membres ne contredisent peu souvent les votes de la 
Chambre des communes et quand ils le font, ils sont soumis à une 
pléthore de critiques. Le gouvernement fédéral, selon moi, devrait 
suivre l'initiative des provinces, en abolissant le Sénat. Enfin, ce 
changement enlèverait une entité qui n'améliore pas la qualité du 
système politique canadien.

samedi 6 novembre 2010

Les avantages d'être un "pays en développement"

Le Fonds monétaire international vient d'annoncer une redistribution des droits de vote des pays riches vers les plus pauvres. Au FMI, les votes pour chaque État sont au pro rata des contributions au Fonds. Cette forme de péréquation a pour objectif de réduire l'écart d'influence dans les décisions du FMI. Curieusement, si la mesure est approuvée, la Chine sera bénéficiaire de la redistribution, passant du 6e rang au 3e en nombre de votes. Comme la Chine a ces dernières années un intérêt marqué pour la géopolitique africaine, cela pourrait affecter la balance de pouvoir là-bas.

Ce n'est pas la première fois que la Chine bénéficie de son statut de "pays en développement". Dans le Protocole de Kyoto, il existe un système d'investissement de technologies propres des États riches vers les pauvres (le "Mécanisme de développement propre", CDM en anglais). De cette façon, une usine dans un pays développé (dit "État de l'Annexe B") peut investir dans une usine hors-Annexe B et obtenir un crédit valide pour la Bourse européenne du carbone tout comme si elle réduisait ses propres émissions de carbone. Devinez qui en bénéficie?





(Source: Banque Mondiale, State and Trends of the Carbon Market 2009. Cliquez sur l'image pour voir plus grand.)

Du point de vue des changements climatiques, réduire les émissions de carbone d'une quantité X en Chine ou en Afrique revient au même pour la planète. Du point de vue des transferts technologiques par contre, l'Afrique en a infiniment plus besoin que la Chine...

On dit que la Chine est en voie de devenir le leader mondial des technologies vertes, notamment pour l'énergie solaire. Je n'ai pas les chiffres, mais je me demande jusqu'à quel point cela est dû à son statut de pays hors-Annexe B et du CDM.

vendredi 5 novembre 2010

Canada, terre de pauvres diplômés

On a tous entendu la légende urbaine du diplômé universitaire qui prépare les hamburgers chez McDonald's car il n'y a rien de mieux pour lui sur le marché du travail. Eh bien, parmi les États de l'OCDE, c'est ici au Canada qu'on a le plus de chances d'en rencontrer un :



Ce sont les pourcentages de diplômés collégiaux et universitaires 25-64 ans détenant un emploi et gagnant moins de la moitié du salaire médian (au Canada, moins de $ 16,917 par année).

(Source: Statistique Canada)

mercredi 3 novembre 2010

Le retour du bon vieux temps


Les élections américaines d'hier ont été qualifiées de raz de marée, de révolution, de domination de la droite, etc. Oui, le gain de 60 sièges à la Chambre des représentants est impressionnant. Toutefois, on n'a pas besoin de tellement de recul pour trouver une composition comparable du Congrès. En fait cela ressemble à ce qu'on avait sous G.W. Bush, et même avant.




La "révolution" républicaine au Congrès, si l'on veut, a eu en 1994, soit 2 ans après l'élection de Bill Clinton. C'était l'époque de Newt Gingrich et du "Contract With America". Lui et son équipe étaient vus comme des jeunes idéalistes qui allaient ébranler les dinosaures de l'Establishement (ça vous rappelle quelque chose?). Dès leur élection toutefois, ils sont vites tombés dans les bras des lobbyistes et rentrés dans le rang.

Leur légère domination de la Chambre durera jusqu'en 2006, où le sentiment anti-Bush et anti-guerre est finalement suffisant pour renverser la vapeur. Les attentes sont grandes; la revue Time annonce même en première page que Bush n'a plus le choix, il doit se retirer d'Irak. Les Démocrates en fait ne réaliseront presque rien. Ils ne semblent pas intéressés à gouverner. La cote d'approbation populaire du Congrès tombe au plus bas.

Malgré les déceptions, les Démocrates réussissent le coup une seconde fois en 2008, ici inspirés par la candidature d'Obama. Les électeurs y voient un politicien différent, qui enfin changera les choses pour le mieux. Autre déception, le Congrès avance à pas de tortue et les Républicains réussissent à bloquer un tas de projets de lois et à faire de la réforme de la santé une pâle image de la vision originale.

Finalement hier, les Américains en ont eu assez. Ils ont donné la chance aux Démocrates lors des deux dernières élections, et cela n'a à peu près rien donné (ni même en santé; ce sera le sujet d'un prochain billet). Ils sont retournés au système de 1994-2006 avec une différence notable, le Sénat est toujours sous contrôle démocrate (de très peu).

A quoi peut-on s'attendre? Les Républicains ont maintenant l'initiative des lois à la Chambre, mais durant la campagne ils n'ont pas vraiment promis de législations, sauf perpétuer les baisses d'impôts de Bush au-delà de 2010. L'inaction du Congrès devraient se perpétuer, de façon un peu plus pire cette fois-ci. Ce qui va vraiment changé à mon avis, ce sera l'usage du "subpoena power" de la Chambre pour déclencher des commissions d'enquête sur Obama et ses amis de la Maison blanche. L'objectif des Républicains est de préparer la prochaine élection, et ils profiteront des deux prochaines années pour démolir l'opposition. Je me console en me disant que cela fera de la bonne télé...

Et le Tea Party? Il est déjà rentré dans le rang. Ses gagnants ont reçu leur chèque. Il n'existe plus.