samedi 12 février 2011

Un obstacle à la réforme de la santé aux États-Unis

La réforme de la santé du gouvernement Obama aux États-Unis avance lentement mais sûrement. Récemment toutefois, elle a rencontré un obstacle : des juges de cours inférieures ont déclaré que l'obligation de se procurer une assurance-maladie privée est inconstitutionnelle. La bataille se réglera devant la Cour suprême probablement cette année. Si cette obligation, que l'on appelle là-bas le "mandate", disparaît, c'en est fait de la réforme. Mais pourquoi cette obligation?

Après d'âpres négociations avec le Congrès et les lobbyistes, on a décidé que la réforme se ferait entièrement dans le cadre du privé, mais à une condition majeure : la discrimination sur la base de l'état de santé sera désormais interdite. Les assureurs ne pourront plus exiger de tests de santé, et ils devront offrir à peu près la même prime à tous ses clients. Cela aura pour effet d'augmenter les primes des gens en santé et de baisser celles des malades et ceux présentant des risques comme l'obésité ou des dispositions génétiques. On aura donc une forme de redistribution des biens portants vers les moins bien portants, et aussi par la bande des riches vers les pauvres car il y a corrélation entre mauvaise santé et pauvreté.

Si les primes des biens portants, surtout les plus riches d'entre eux, augmentent significativement, ils auraient possiblement intérêt à débarquer du système et à s'arranger eux-mêmes en cas de problèmes. Si cela se produit à suffisamment grande échelle, les assureurs privés perdraient leur clients "payants" (ceux qui paient des primes sans trop retirer en bénéfices) et se retrouveraient avec une plus grande concentration de clientèle "à risque", entraînant une chute des profits. La solution privée sera alors d'augmenter les primes, ce qui générera un effet boule de neige car plus de bien nantis abandonneront l'assurance privée, réduisant ainsi le "risk pool" encore plus, etc. La solution publique, celle retenue, est d'obliger tout le monde à souscrire à l'assurance privée (avec subventions aux plus pauvres, aussi inclus dans la réforme Obama).

Il y a une autre raison connexe pour l'obligation. Si l'assureur ne peut plus discriminer, il vaut la peine d'attendre d'en avoir besoin avant de s'y inscrire. Par exemple, un Américain pourrait décider de s'en passer jusqu'à l'âge de 60 ans, et payer sa prime rendu là. Si un assez grand nombre se comporte de cette façon, on se retrouve avec les mêmes problèmes que ci-haut. On en a l'expérience au Québec, où depuis peu, l'assurance privée pour les chirurgies de hanche, genou et cataractes (HG&C) est légale. Mais aucun des grands assureurs ne l'offre, tout simplement parce qu'elle n'est pas obligatoire! Quelle raison a-t-on pour se payer une assurance HG&C à 20 ans? Puisqu'il s'agit d'actes médicaux touchant surtout les aînés, vaut mieux attendre la retraite, mais de cette façon les assureurs ne feraient pas un cent de profit. Donc cela ne les intéresse pas.

Revenons aux États-Unis. La légalité de l'obligation est remise en question. Selon un éminent constitutionnaliste, il n'y a pas lieu de s'inquiéter, la Cour suprême va fort probablement en confirmer la constitutionnalité. Mais le véritable problème n'est pas juridique mais plutôt politique. Le danger c'est que la Cour déclare la loi quasi-légale et exige des modifications mineures pour fins de clarté. C'est ici que le Congrès devrait intervenir, et avec une majorité de Républicains à la Chambre des représentants ainsi qu'une minorité forte au Sénat, il y a tout à parier qu'ils bloqueront les amendements ou encore qu'ils en profiteront pour tout démanteler. Au mieux, ils réussiront à retarder la mise en place du régime, ce qui déjà là serait catastrophique, car le système actuel est au bord de l'éclatement.

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