samedi 30 avril 2011

lundi 21 mars 2011

Le futur de l’Alberta et l’éducation postsecondaire

par Emerson Csorba, étudiant du Campus Saint-Jean.

La composition démographique de l'Alberta est l'un des sujets les plus pressants pour la province. En fait, dans les prochaines années, la démographie de l'Alberta va changer de manière incroyable. La province devient de plus en plus âgée, avec les « baby boomers » qui forment actuellement une grande proportion de la population. Selon le Campus Alberta Planning Framework, la proportion des personnes âgées de 64-70 ans va augmenter de 73.4% entre 2009 et 2019 (celle des 70-74 ans va augmenter de 70.5%). Par conséquent, le système de santé aurait besoin de réforme, vu qu'il y aura de moins en moins de personnes capables de soigner une partie âgée de la population en croissance. En fait, la proportion des Albertains âgés de 20-24 ans va diminuer de 15.4% entre 2009-2019, allant de 291,260 à 246,475 personnes. Par ailleurs, les Autochtones représentent le groupe démographique qui augmente à la plus grande vitesse en Alberta. Entre 1996 et 2006, la population autochtone du Canada a augmenté de 45%. Or, ce groupe démographique a un pourcentage très faible en ce qui concerne la participation universitaire (1.7% pour la participation postsecondaire). Bref, il est évident que le gouvernement a besoin d'initier des réformes, en ce qui concerne non seulement la santé, mais l'éducation en Alberta. Si l'Alberta veut préserver voire augmenter la qualité de son système de santé et de l'économie, elle doit mettre l'accent sur l'éducation.

L'Université de l'Alberta a la capacité de contribuer au bien-être économique de la province, en attirant des étudiants internationaux et en fournissant une meilleure éducation aux étudiants autochtones. Le Campus Alberta Planning Framework souligne le fait que l'immigration internationale va aider la province à résoudre la crise démographique, en assurant que la main d'œuvre de l'Alberta demeure stable lorsque les Albertains deviennent de plus en plus âgés. Au cours du mois prochain, il est très probable que l'Université de l'Alberta annoncera un objectif d'augmenter le pourcentage d'étudiants qui reçoivent une expérience internationale à 15-30%. Une réforme des transferts de crédits quant aux échanges entre l'Université de l'Alberta et ses universités partenaires en Chine, en Allemagne et en Italie va probablement suivre cette annonce. Par ailleurs, l'Université de l'Alberta veut établir un programme « Foundation Year », qui établira un collège privatisé probablement au Campus Nord, afin de faciliter la transition académique des étudiants internationaux à l'université. (Ce programme n'est pourtant pas dénué de problèmes. Les étudiants qui participent à ce programme payeront environ $15,000 en frais de scolarité par année scolaire.) Deux nouveaux documents, le Academic Plan de 2011-2015 et le Comprehensive Institutional Plan de l'Université de l'Alberta, mentionne le fait que l'université veut renforcer sa présence internationale. Donc, il est évident que l'Université de l'Alberta essaie d'améliorer ses efforts internationaux, peut-être afin d'aider le gouvernement à attirer plus d'immigrants internationaux.

Cependant, les efforts de l'Université de l'Alberta ne vont pas régler les autres problèmes qui frappent la province. En particulier, il est important que la province essaie d'augmenter la participation universitaire des Autochtones. Ce sujet est assez complexe et il relève des questions concernant la culture, la tradition et la nécessité des réserves. En 2001, la participation postsecondaire des Autochtones en Alberta était de 1.3%; en 2006, seulement 1.7%. Je sais que le progrès n'est pas facile et sans obstacles, mais une augmentation de 0.4% en cinq ans n'est pas propice à la province. En ce moment, le gouvernement conservateur de Stelmach favorise le développement de l'industrie pétrolier de la province, ce qui mène à la destruction des communautés comme Fort Chipewyan (un village majoritairement Cree) au nord de la province. Selon moi, les actions néfastes du gouvernement conservateur empêchent le progrès dans le secteur d'éducation pour les Autochtones. Bien que la rhétorique du gouvernement souligne l'importante d'augmenter la participation postsecondaire des Autochtones, ses actions sont en contradiction.

Enfin, la province a plusieurs défis. Avec une population de plus en plus âgée, l'Alberta a besoin d'immigrants internationaux afin de préserver voire augmenter la main d'œuvre. Cette main d'œuvre sera nécessaire si l'Alberta veut maintenir la qualité de son système de santé. En ce moment, l'Université de l'Alberta essaie d'attirer plus d'étudiants internationaux, mais ce n'est pas assez. En ce qui concerne les Autochtones, leur participation de 1.7% en 2006 doit s'accroître. Dorénavant, le gouvernement albertain n'a pas de choix : elle doit mettre l'accent sur sa population autochtone, en limitant les barrières qui empêchent la participation postsecondaire. Sinon, le futur pourrait être désastreux.

vendredi 25 février 2011

Budget 2011 : déficit ou non?

Le gouvernement Stelmach a présenté son budget 2011-12 hier, et la grande nouvelle est le déficit de $3.4 milliards. Le titre de l'article du Edmonton Journal est évocateur : "Alberta Plunges Deep into the Red". Mais est-ce vraiment un déficit? Techniquement, oui, mais ici on emprunte pas pour le combler.

Le gouvernement a annoncé que le manque à gagner sera comblé par le Sustainability Fund, une réserve de $11 milliards accumulée pendant les années de surplus. La description du fonds sur le site du gouvernement se lit comme suit : "The Sustainability Fund helps protect the government's program and infrastructure spending plans from unexpected drops in revenue and the costs of emergencies, disasters."

Bien sûr, on peut accuser le gouvernement de maintenir des redevances pétrolières trop faibles, ou de ne pas couper assez dans les services publics. Mais un vrai déficit se finance par un endettement, et ici la province n'emprunte pas un sou (des emprunts sur 3 ans annoncés en 2009 sont encore en opération toutefois). Danielle Smith, du Wildrose Alliance, accuse les Conservateurs de dilapider le fonds. Mais si on ne peut pas s'en servir pour maintenir les services en temps de récession, à quoi ça sert au juste?

De toute façon, la dette de l'Alberta est à un ridicule $800 millions. Celle du Québec est à $107 milliards. De quoi on se plaint?

samedi 12 février 2011

Un obstacle à la réforme de la santé aux États-Unis

La réforme de la santé du gouvernement Obama aux États-Unis avance lentement mais sûrement. Récemment toutefois, elle a rencontré un obstacle : des juges de cours inférieures ont déclaré que l'obligation de se procurer une assurance-maladie privée est inconstitutionnelle. La bataille se réglera devant la Cour suprême probablement cette année. Si cette obligation, que l'on appelle là-bas le "mandate", disparaît, c'en est fait de la réforme. Mais pourquoi cette obligation?

Après d'âpres négociations avec le Congrès et les lobbyistes, on a décidé que la réforme se ferait entièrement dans le cadre du privé, mais à une condition majeure : la discrimination sur la base de l'état de santé sera désormais interdite. Les assureurs ne pourront plus exiger de tests de santé, et ils devront offrir à peu près la même prime à tous ses clients. Cela aura pour effet d'augmenter les primes des gens en santé et de baisser celles des malades et ceux présentant des risques comme l'obésité ou des dispositions génétiques. On aura donc une forme de redistribution des biens portants vers les moins bien portants, et aussi par la bande des riches vers les pauvres car il y a corrélation entre mauvaise santé et pauvreté.

Si les primes des biens portants, surtout les plus riches d'entre eux, augmentent significativement, ils auraient possiblement intérêt à débarquer du système et à s'arranger eux-mêmes en cas de problèmes. Si cela se produit à suffisamment grande échelle, les assureurs privés perdraient leur clients "payants" (ceux qui paient des primes sans trop retirer en bénéfices) et se retrouveraient avec une plus grande concentration de clientèle "à risque", entraînant une chute des profits. La solution privée sera alors d'augmenter les primes, ce qui générera un effet boule de neige car plus de bien nantis abandonneront l'assurance privée, réduisant ainsi le "risk pool" encore plus, etc. La solution publique, celle retenue, est d'obliger tout le monde à souscrire à l'assurance privée (avec subventions aux plus pauvres, aussi inclus dans la réforme Obama).

Il y a une autre raison connexe pour l'obligation. Si l'assureur ne peut plus discriminer, il vaut la peine d'attendre d'en avoir besoin avant de s'y inscrire. Par exemple, un Américain pourrait décider de s'en passer jusqu'à l'âge de 60 ans, et payer sa prime rendu là. Si un assez grand nombre se comporte de cette façon, on se retrouve avec les mêmes problèmes que ci-haut. On en a l'expérience au Québec, où depuis peu, l'assurance privée pour les chirurgies de hanche, genou et cataractes (HG&C) est légale. Mais aucun des grands assureurs ne l'offre, tout simplement parce qu'elle n'est pas obligatoire! Quelle raison a-t-on pour se payer une assurance HG&C à 20 ans? Puisqu'il s'agit d'actes médicaux touchant surtout les aînés, vaut mieux attendre la retraite, mais de cette façon les assureurs ne feraient pas un cent de profit. Donc cela ne les intéresse pas.

Revenons aux États-Unis. La légalité de l'obligation est remise en question. Selon un éminent constitutionnaliste, il n'y a pas lieu de s'inquiéter, la Cour suprême va fort probablement en confirmer la constitutionnalité. Mais le véritable problème n'est pas juridique mais plutôt politique. Le danger c'est que la Cour déclare la loi quasi-légale et exige des modifications mineures pour fins de clarté. C'est ici que le Congrès devrait intervenir, et avec une majorité de Républicains à la Chambre des représentants ainsi qu'une minorité forte au Sénat, il y a tout à parier qu'ils bloqueront les amendements ou encore qu'ils en profiteront pour tout démanteler. Au mieux, ils réussiront à retarder la mise en place du régime, ce qui déjà là serait catastrophique, car le système actuel est au bord de l'éclatement.

vendredi 4 février 2011

La cause Caron et la question des dépenses devant la Cour Suprême du Canada : Victoire

Par Dustin McNichol, étudiant à la maîtrise, Campus St-Jean.

Aujourd'hui, la Cour Suprême du Canada donne gain de cause à Gilles Caron, un Franco-Albertaine originaire du Québec, sur la question des dépens dans la cause Caron.

En décembre 2003, Gilles Caron est accusé de défaut d'effectuer un virage à gauche sans danger. Il conteste cette contravention, disant qu'elle devrait être en français et en anglais au lieu d'être uniquement en anglais. Dès lors, Caron lance une poursuite constitutionnelle contre la Loi linguistique (1988)
de l'Alberta, loi qui abroge les droits linguistiques de la minorité francophone en Alberta.

Rapidement, le procès de Caron prend deux volets. Le premier, le volet juridique et factuel, examine l'histoire juridique de la langue française en Alberta depuis les années 1800. Caron constate que la langue française est une langue officielle en Alberta depuis 1835, et que le gouvernement albertain n'a pas le droit d'abroger ce statut officiel avec la Loi linguistique. La Couronne affirme la position opposée. Pour elle, la langue française n'est plus une langue officielle en Alberta, et cela, depuis 1988 lorsqu'elle sanctionne la Loi linguistique. Ce volet juridique demeure en litige, et est présentement devant la Cour d'Appel de l'Alberta, le plus haut tribunal de la province.

Le deuxième volet dans la cause Caron est celui des dépens. Comme le procès en première instance (celui devant la Cour provinciale) a pris cinq ans, et celui devant la Cour du Banc de la Reine a pris un an, les coûts juridiques sont devenus considérables. Gilles Caron, qui est ouvrier, n'a pas été capable de payer les frais de son avocat et les autres coûts associés avec son procès. Par conséquent, son avocat a demandé à la Cour provinciale de forcer le gouvernement albertain (la Couronne) à payer ses frais. La Couronne refuse de le faire. Elle fait appel aux tribunaux supérieurs (la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta et la Cour d'Appel de l'Alberta), mais ces derniers soutiennent la décision de la Cour provinciale.

Et voilà où nous sommes aujourd'hui : la question est tranchée par la Cour Suprême du Canada. Dans sa décision d'aujourd'hui, la Cour statue que la question de justice est primordiale dans la cause Caron. Si Gilles Caron avait dû laisser tomber sa poursuite pour des raisons financières, cela aurait été une violation de la justice et de ses droits fondamentaux. Par conséquent, les tribunaux albertains avaient raison de forcer le gouvernement albertain à payer les frais de Gilles Caron. Cet arrêt est très important pour la continuation du premier volet de la cause Caron, parce que maintenant on ne doit pas s'inquiéter de la question de comment financer la cause. C'est une victoire pour Gilles Caron, ses avocats, la justice et la communauté franco-albertaine.

La décision peut être lu (en anglais ou en français) à : http://csc.lexum.umontreal.ca/fr/2011/2011csc5/2011csc5.html

lundi 31 janvier 2011

Révolution en Égypte : l'opportunité

De toute évidence, les jours au pouvoir de Moubarak en Égypte sont comptées. Et il semble bien que l'on retrouvera les Frères musulmans (FM) dans le nouveau gouvernement, en tête sinon en position de force. Ce groupe politique islamiste est aujourd'hui assez modéré, mais il a un passé plutôt trouble. Dans les années 1940-60, le pouvoir égyptien poursuivait, capturait et torturait les membres des FM. Ceux-ci ont commis leur coup d'éclat en 1954 avec une tentative d'assassinat contre Nasser; ce dernier ne leur a jamais pardonné. Parmi les victimes des bourreaux de Nasser figurait l'intellectuel Sayyid Qutb. Dégoûté à la fois par le régime en place et par la décadence occidentale, il écrivit plusieurs ouvrages de prison qui servirent de véritable manifestes à la révolution islamique. Les FM ont renoncé depuis les années '70 à suivre cette voie, mais d'anciens FM comme Ayman al-Zawahiri, le présumé numéro 2 d'al-Qaida, se dévouent à la cause de Qutb.

Une grande opportunité se présente en Égypte pour les islamistes modérés. Un FM en position de commande pourrait démontrer que démocratie, respect des droits et Islam peuvent coexister dans un grand pays. Le régime pourrait devenir l'anti-al-Qaida, et un espoir pour la jeunesse musulmane de partout. On pourrait espérer des relations neutres avec Israël (cordiales, faut pas rêver) et une relation d'affaires avec l'Occident.

Certains pensent que les FM pourraient former un bon gouvernement. D'autres demeurent pessimistes et inquiets. L'arrivée de Mohammed ElBaradei dans le portrait est un signe de modération, mais qui détiendra la véritable pouvoir en Égypte, cela reste à voir.